7,90 € TTC
p. 04 Contrôlez votre alimentation de laboratoire avec votre Raspberry Pi
p. 18 Créez un enregistreur autonome de température, d'humidité et de pression
p. 32 Créez une lanterne qui réagit au toucher
p. 44 Connectez votre Arduino en Bluetooth : configuration du module
p. 56 Bluetooth : pilotez votre Arduino avec votre smartphone
p. 66 Connectez un module LCD à votre Raspberry Pi pour afficher son adresse réseau
p. 74 Partagez vos projets et vos créations sur GitHub
p. 90 Vos projets Arduino et Raspberry Pi sur une batterie externe pour smartphone. Pas si simple...
Y’a des jours comme ça...
Hé oui, tous les jours ne se valent pas. Il y a les jours où tout fonctionne à la perfection, les projets aboutissent, des bibliothèques absconses deviennent limpides, son pull request (cf. article sur Git et GitHub) est accepté par les développeurs d’un raytracer mythique avec plus de 25 ans d’histoire (POV-Ray) et son code C « maison » permettant d’émettre avec un HackRF One qui refusait obstinément de fonctionner, fait des merveilles suite à une sorte d’illumination/révélation trigonométrique. Et puis il y a les autres jours...
Comme celui où l’on apprend que Texas Instruments lance une carte destinée à l’éducation, se branchant directement sur trois modèles de calculatrices de la marque (TI-83, TI84 et Nspire). Le TI-Innovator Hub semble très amusant et permet effectivement de contrôler toutes sortes de sorties et de capteurs directement depuis des programmes écrits sur la calculatrice.
Plein d’entrain on se heurte à une première déception en apprenant que la calculatrice TI-84 Plus CE (celle qui attisait ma convoitise) n’existe apparemment pas sur le marché français (on passe étrangement de la TI-83 à la TI-89 sur le site). Dommage, car j’avais déjà récupéré un compilateur C fort sympathique et l’idée d’animer un processeur Z80, héritier d’une lignée presque aussi vieille que moi, me rendait déjà tout chose...
Allez, ce n’est pas grave, il me reste l’option de la TI-Nspire CX. Exit du Z80, un ARM c’est pas mal non plus côté histoire tout en permettant une programmation en Basic (beurk), en Lua, ainsi qu’en C/C++ et même en assembleur ARM... à condition d’installer un « jailbreak » appelé Ndless ?!? Tiens, c’est nouveau, je ne savais pas que les calculatrices aussi étaient devenues des horreurs où l’utilisateur, qui a pourtant acheté tout à fait légitimement le matériel et donc en principe obtenu le droit de l’utiliser comme bon lui semble, doit « pirater » son achat pour en jouir pleinement. Très bien, je prends note, et classe les calculatrices dans la même catégorie que les iPhone à jailbreaker et les smartphones Android à rooter... Déprimant...
À ce stade bien que ma motivation soit déjà largement entamée, je poursuis néanmoins mes investigations. Ce TI-Innovator Hub repose sur le microcontrôleur MSP432 et ressemble fortement au Ti Launchpad MSP432 (récemment passé du noir au rouge). Ça tombe bien, le TI-Innovator est introuvable à la vente et j’ai déjà un Launchpad MSP432. Il me suffit donc de pointer mon navigateur sur l’endroit où Texas met à disposition les sources du code à placer dans la carte et... Tiens, je ne trouve pas de firmware pour ce matériel, même déjà compilé, c’est étrange.
Insistons...
Après quelques longues minutes de recherches et grâce aux informations collectées par les passionnés de TIplanet (https://tiplanet.org/forum/), voici que je tombe sur https://education.ti.com/ide/stem/. Chic alors, je vais pouvoir enregistrer dans mon Launchpad le firmware de... Comment ça je dois installer une extension dans mon navigateur web ? Une extension qui peut communiquer avec les sites Ti et des applications natives de mon système ? Certainement pas ! Et je devrais installer sur mon système le TI Cloud Agent Application qu’on me propose de télécharger sous la forme d’un programme compilé ! Qui en plus est en 64 bits alors que ma présente machine est en configuration 32 bits ?!
Non, non, messieurs. Je n’installe pas de programme dont je ne suis pas sûr du comportement, ni même d’extensions et je ne vais certainement pas m’amuser (sic) à me lancer maintenant dans une migration 32/64 bits, tout ça parce que vous n’êtes pas fichu de mettre quelque part une pauvre archive avec les sources d’un firmware qui ne contient certainement pas de secrets industriels que la diabolique concurrence risque de vous dérober. D’autant que l’idée initiale consistant à brancher une carte pédagogique à une calculatrice Ti a été implémenté il y a fort longtemps par Christopher Mitchell et sa bibliothèque ArTICL, fonctionnant sur Arduino ET MSP432, disponible sur GitHub sous licence BSD ! Entre nous, cela ne m’étonnerait qu’à moitié de trouver des morceaux de ArTICL dans le firmware du TI-Innovator Hub, la licence BSD le permettant sans le moindre problème légal.
C’est précisément à ce stade que, écœuré, je décide de jeter l’éponge. Et dire que j’étais prêt à acheter une calculatrice à presque 150€ alors que ma Casio fx8500g de 1991 marche encore très bien...
Au final, la question n’est pas de savoir à quoi joue Ti, si le marché de l’éducation nécessite des politiques particulières ou si ce fameux firmware est disponible ou non sous une forme acceptable et bidouillable, caché au fin fond d’un serveur demandant une inscription. Non, la vraie question consiste à se demander pourquoi diable quelque chose qui est destiné à être un support ou un accessoire pédagogique ne mérite pas l’adoption d’un comportement plus favorable à ceux qui sont les plus demandeurs de connaissances et de savoir : vous, moi, nous, les élèves, les professeurs, les parents...
Il y a là quelque chose de totalement paradoxal, voire de foncièrement malsain. L’apprentissage à un domaine est, à mon sens, aussi et surtout l’assurance qu’on pourra explorer et exploiter ce même domaine autant qu’on le désire, sans autre restriction que sa propre volonté d’apprendre et sa capacité à assimiler les concepts nouveaux. En d’autres termes, on est naturellement plus enclin à apprendre à correctement choisir des citrons, dès lors qu’on sait qu’on pourra à terme les presser jusqu’à la dernière goutte, et non simplement admirer leurs belles nuances de jaunes et de verts.
Alors bien sûr, tous les élèves ne vont pas, loin de là, passer du stade « j’allume une led avec ma calculatrice avec la ligne de code qu’on me dit de taper » à « je vais réécrire tout le support, les pilotes et le firmware pour maîtriser la chaîne complète ». Mais, et c’est un énorme « mais », je pense qu’il est capital d’avoir le sentiment, sinon l’assurance, dès le départ de pouvoir le faire si on le désire.
La pédagogie se résume à un ensemble de méthodes et pratiques visant à transmettre une connaissance, un savoir ou un savoir-faire, et ceci implique le fait d’avoir des perspectives et des libertés. Si, en revanche, il s’agit d’inculquer des pratiques devant être reproduites dans un contexte borné et avec une séquence prédéfinie, ceci s’appelle de la programmation ou, dans le cas d’un être vivant, du dressage.
Le passage de l’un à l’autre tient en peu de choses, mais favoriser un cadre spécifique par rapport à une liberté d’exploration individuelle est sans le moindre doute ce qui fait la différence entre enseignement et dressage. Le simple fait de rendre difficile l’accès à la technologie sous-jacente d’un équipement comme le TI-Innovator Hub sous la forme d’outils adaptés et de sources pour le firmware est quelque chose de parfaitement déplorable et contre-productif.
Même si les informations ne sont peut-être pas réellement sciemment dissimulées, mais simplement éparpillées et rendues, de ce fait, difficiles à collecter, cela forme une barrière qu’il est bien trop facile de considérer comme insurmontable. Même pour moi, qui suis généralement prompt à être motivé par la technologie, par passion, et non un élève de lycée ayant généralement d’autres divertissements, ceci est tout bonnement pesant. Dans l’état, il me semble bien que ce TI-Innovator Hub n’est qu’une boîte noire qui est bien loin de pouvoir faire fantasmer la prochaine génération d’ingénieurs, de programmeurs et d’électroniciens. C’est triste. Dommage et triste...
Mais il serait regrettable de conclure cet édito sur une aussi déplorable constatation, aussi je profite de l'espace qu’il reste (comment ? On me dit à l'infographie qu'il ne reste pas de place ? Mais si voyons, il suffit de réduire la taille de la police), pour vous annoncer que le premier hors-série du magazine, paru cet été, revient chez votre marchand de journaux à partir du 1er décembre. Voici donc une seconde occasion de mettre la main dessus si vous ou quelqu'un de votre entourage souhaite être initié au monde de l'Arduino et de la programmation (la vraie, en C/C++). Il pourra être, par exemple, glissé discrètement sous le sapin accompagné d'une ou deux cartes et de quelques composants pour passer un réveillon tout clignotant en famille, en découvrant une plateforme ouverte offrant des perspectives vraiment illimitées ;)
Denis Bodor
Né en 2014, Hackable est un bimestriel destiné aux professionnels et particuliers souhaitant découvrir et progresser dans les domaines de l’électronique numérique et de l’embarqué. Il fournit un contenu riche orienté vers une audience désireuse de bénéficier d'une veille technologique différente et résolument pratique. Le contenu du magazine est conçu de manière à permettre une mise en pratique directe des connaissances acquises et apprendre tout en faisant.